En se promenant dans l'église de Guémené, on ne peut pas passer à côté du monument aux morts de la guerre de 14-18.
Il se trouve sur le bas-côté Est (à droite en regardant le choeur), derrière la chaire abondamment décrite et illustrée dans des articles précédents.
En fait, une partie de la paroi de l'église a été en quelque sorte décorée : des plaques dressant la liste des soldats de Guémené morts durant ce conflit ont été apposées ; elles encadrent une Piétà de calcaire blanc surmontée d'un tableau marquant une des stations du Chemin de Croix.
La partie de la paroi dominant ces plaques et la sculpture, est peinte : une sorte de ciel d'un bleu passé de crépuscule y sert de toile de fond à un ruban rougeâtre contenant une phrase latine en caractères dorés et gothiques, stipulant quelque chose du genre : Voici les héros tombés à la guerre.
Au total, l'enchevêtrement des oeuvres est assez subtile pour conférer à cette paroi ornée une fluidité artistique suffisante.
Chacun des deux sous-ensembles latéraux de noms est composé de treize plaques comportant chacune, en lettres dorées, le prénom et le nom de sept soldats. En-dessous de chaque nom figure une mention du lieu du décès, également en lettres dorées.
Ce lieu est la plupart du temps une commune de France (on y discerne cependant Monastir, actuelle Bitola, en République de Macédoine). On y trouve même Guémené. Parfois, il s'agit d'une région, en l'occurrence la Somme. Parfois enfin, il est fait état d'un pays étranger : Belgique, Serbie.
Mais en plus des cent-quatre-vingt-six noms inscrits sur les plaques, on trouve, à l'écart du troupeau des ombres des massacrés, un nom additionnel.
Il est écrit, selon le même graphisme que celui de ses camarades d'infortune, dans un cartouche situé au-dessus de la tête de la Vierge sculptée et sous le tableau du Chemin de Croix.
On y lit : "Abbé P Fourrier mort à Szegedin".
Ce prêtre n'est pas né à Guémené (ni à Saint-Julien-des-Landes, en Vendée comme je l'ai d'abord cru - et écrit), mais à Saint-Sulpice-des-Landes, dans notre bonne vieille Loire-Inférieure, le 20 septembre 1884. On peut penser qu'il était en poste à Guémené, peu de temps avant la guerre (en tout cas après 1911, année au recensement de laquelle il ne figure pas).
Pierre Jean Marie Fourrier était soldat de 2ème classe au moment de sa mort. Il appartenait au 210ème Régiment d'Infanterie, 6ème Bataillon (probablement). Si tous les prêtres n'étaient pas confinés à des postes de brancardiers (la loi de Séparation étant passée par là), c'était cependant le cas de Pierre Fourrier. Précisément : aumônier-brancardier.
Il est mort ("pour la France") le 9 ou le 10 janvier 1919 à Szegedin ou Seghedin ou Szeged, à l'infirmerie régimentaire, "de maladie contractée en service".
Cette ville est une ville-frontière du Sud de la Hongrie, aux confins du Nord de la Serbie et du Nord-Ouest de la Roumanie (ce qui explique ses trois noms ou graphies).
L'armistice du 11 novembre 1918 ne marqua pas la fin de la guerre pour les soldats de l'Armée d'Orient qui guerroyèrent parfois jusqu'à la fin du printemps 1919.
Cette Armée avait pourtant joué un rôle important dans la victoire finale : une offensive puissante et fulgurante en septembre 1918 avait amené les alliés Bulgares et Turcs de l'Allemagne à déposer les armes. Mais on décida qu'elle devait aller contenir les poussées révolutionnaires induites, dans les Balkans, par la Révolution Bolchevique.
C'est dans ce contexte que Pierre Fourrier - prêtre, de fait en croisade contre les Bolcheviques - arriva le 31 décembre à la gare de Szeged, où son Bataillon, venant de Roumanie, fut cantonné quelques jours avant de repartir. Sans lui.
J'en sais un peu sur sa vie (grâce à une fidèle et vigilante lectrice), notamment sa "carrière" ecclésiastique et militaire.
Il était vicaire de Rouans, bourgade au Sud-ouest de Nantes. Il avait semble-t-il intégré le service d'active en 1916. Il fut à Salonique, participa à la campagne qui réalisa, en Macédoine, la percée entre Monastir (Bitola) et Usqub (Skopje), continua en Bulgarie et puis arrêta sa course en Hongrie.
J'ignore où il est enterré (c'est probablement en Hongrie, pourtant).
Toutefois, le mystère de la présence de Pierre Fourrier à Guémené n'est donc pas encore éclairci.
samedi 2 février 2013
Soldat prêtre inconnu
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