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dimanche 6 mai 2012

Jean LUNEAU, instituteur à Guémené sous l’Empire, la Restauration, la Monarchie de Juillet.



J'aime exhumer des figures et tirer un peu de l'oubli, par la magie d'Internet, des personnages qui ont forcément marqué leur temps et leurs concitoyens. Le monde est dans un timbre-poste. Guémené est un timbre-poste. Jean Luneau l'instituteur est une dent du timbre-poste. Et au passage cela permet d'évoquer l'extraordinaire enquête de Guizot en 1833.


La biographie de Jean Luneau


Jean Luneau est le fils d’un meunier, Jean Luneau et de Jeanne Frangeul . Né à Jans le 22 janvier 1767, il mourra au bourg de Guémené le 15 juin 1846 à près de 80 ans.

Il s’est marié à Guémené le 11 novembre 1800, Bonaparte étant Premier Consul, avec Julienne-Mathurine Hervé native de Juzet à Guémené. A ce moment là, Jean Luneau est greffier de la Justice de Paix de Guémené-Penfao. Il sera encore désigné de la sorte lors de la naissance de sa fille à Guémené le 30 novembre 1801.

En revanche, son titre d’instituteur est mentionné au moment de la naissance de son fils Jean Baptiste en octobre 1804 et lors de celle de son second fils Michel Prosper en juillet 1813. Il est toujours en poste – quoique âgé - lors de la grande enquête sur l’enseignement primaire diligentée à l’automne 1833, sous la Monarchie de Juillet.

Il apparaît comme « propriétaire au bourg » au décès de son fils aîné (chapelier à Guémené) en 1840 et à sa mort, 6 ans plus tard.

C’est sans doute l’un des premiers instituteurs de Guémené, sinon le premier.


L’enquête sur l’enseignement primaire à l’automne 1833

Après le vote de la loi de Juin 1833 qui organise pour la première fois l'enseignement primaire en France en obligeant toutes les communes à financer une école, Guizot, ministre de l'Instruction publique au début de la Monarchie de Juillet, lance une vaste enquête pour connaître l'état de cet enseignement.

Ainsi , à l'automne 1833, environ cinq cents inspecteurs visitent toutes les écoles primaires de garçons et les écoles mixtes, dans tous les départements, sauf la Corse. Cette enquête est, en France, sans précédent par son ampleur, sa précision et sa fiabilité. Elle couvre les aspects administratifs, financiers, matériels et pédagogiques des écoles visitées et donne des renseignements sur chaque instituteur.

Une étude antérieure, menée par le Baron Dupin en 1826, avait montré que près de la moitié des communes françaises ne disposaient pas d’une école primaire. 

Ce baron polytechnicien avait dressé une carte de la scolarisation traçant une frontière entre la France au Nord d’une ligne St-Malo - Genève, assez équipée en écoles primaires, et une France au Sud de cette ligne, aux teintes plus sombres, présentant de véritables déserts en matière d’enseignement primaire. La Bretagne et l’Auvergne y apparaissent à cet égard comme de véritable « trous noirs ». La Loire-Inférieure, notre Loire-Atlantique, n’y est pas très claire….



la carte de Dupin. En plus sombre, les régions défavorisées.


L’enquête à Guémené-Penfao

- l’enquêteur :

Le ministre Guizot dépêche des inspecteurs dans tous les arrondissements. A Guémené, c’est un certain Monsieur Gascheau qui officie. Il devait visiter en Loire-Inférieure les écoles des arrondissements de Savenay (dont dépendait Guémené) et de Paimboeuf. Au total, il passa dans 39 communes, visita 43 écoles et consacra à ce travail 26 jours de son temps.

Monsieur Gascheau était professeur au collège royal de Nantes (l’actuel Lycée Clémenceau), longtemps le seul lycée de Nantes et du département de Loire-Inférieure.

- la situation administrative de l’école de Guémené :

L’instituteur n’est pas logé (il habite donc sa propre demeure) et ne dispose d’aucun traitement (les parents d’élèves rémunèrent ses services). Toutefois, une salle est mise à sa disposition pour l’exercice de son office.

L’école est une école de garçons et est payante, quoique 8 élèves soient accueillis gratuitement. Le tarif minimum est de 1 franc 50 centimes par mois. Elle ne reçoit aucun pensionnaire et est de culte catholique.

L’âge moyen d’entrée des élèves est de 6 ans et la durée moyenne des « études » y est de 3 ans. Les effectifs moyens sont de 40 élèves en hiver, mais de seulement 20 en été.

 Ecole Guizot : maquette du musée de Rouen

- l’organisation pédagogique de l’école :

La méthode d’enseignement est la méthode dite simultanée. Cette méthode est née dans les petites classes des collèges du XVIe siècle. Elle consiste à rassembler en un même lieu des enfants de niveau identique. En laissant aux Frères des écoles chrétiennes la responsabilité de l'enseignement primaire, Napoléon Ier participe à la divulgation de ce modèle sur le territoire national. Guizot fait le même choix.

En 1833, le mode simultané déborde très largement l'espace d'influence des Frères des écoles chrétiennes. D’autant plus que, dès la Restauration, l'édition scolaire a fourni de manière bien plus efficace que les procures des Frères les instruments didactiques nécessaires à cet enseignement. Les manuels scolaires, les tableaux muraux, sont maintenant produits par centaines de milliers chez les imprimeurs qui industrialisent leurs techniques.

C’est le mode d’enseignement qui s’imposera sous le second Empire avec des apports de l’enseignement mutuel (présence de grands élèves moniteurs pour faire lire les débutants, démarrage simultané de la lecture et de l’écriture).

D’ailleurs, l’inspecteur Gascheau mentionne dans son rapport que l’école de Guémené ne manque de rien.

Les matières enseignées sont au nombre de 5 : instruction religieuse ; lecture ; écriture ; orthographe ; arithmétique.

Amené à évaluer le fonctionnement de l’école, l’inspecteur y juge favorablement l’ordre et la discipline. Il note mal à l’inverse le travail et juge que l’état de l'enseignement est moyen. De l’aveu même sans doute de l’instituteur Luneau, les élèves font peu de progrès. Enfin, il y a quand même des cahiers qui sont assez bien tenus.

- l’instituteur Luneau :

Agé de 67 ans au moment de cette inspection, marié et père de deux enfants survivants, sans autre profession que celle d’instruire les enfants, il jouit d’une petit aisance. L’inspecteur de Guizot lui trouve des qualités : plutôt de la capacité et de l’aptitude à son métier, du zèle, un homme remplissant bien ses devoirs.

Au demeurant, c’est un homme formé. S’il n’a pas suivi l’école normale, il est titulaire d’un brevet de 2ème degré. L'ordonnance du 29 février 1816 stipule que pour enseigner, les maîtres devront être titulaires d'un brevet de capacité délivré par l'inspecteur d'académie.

Ce brevet comporte trois degrés : 3ème degré: lire, écrire,chiffrer ; 2ème degré: en plus, orthographe, calligraphie, calcul ; 1er degré: en plus, arpentage, arithmétique, grammaire, géographie, « et autres connaissances utiles pour l'enseignement primaire ».

Beaucoup de maîtres sont encore dépourvus de tout brevet en 1833. Le 1er degré est rare, même en ville. Guémené, avec Jean Luneau, ne semble donc pas mal pourvu.

Par ailleurs, il dispose d’une autorisation (obtenue en 1817) et il n’a pas été dispensé de service militaire à l’instar des maîtres qui s’engageaient à enseigner 10 ans.

Enfin, le caractère et le « rayonnement » de l’instituteur sont évalués. Ainsi l'instituteur Luneau n'est pas violent. Il n'a pas de défauts. Il montre une conduite régulière. Quant à son rayonnement : l'instituteur a le respect de ses élèves ; il jouit de l'estime de ses concitoyens et il a des relations honorables.


Le lien dont je me suis servi

Voici le site très sérieux qui délivre tout sur l’enquête Guizot de 1833. Très clair et donc très accessible.


http://www.inrp.fr/she/guizot/cadre_informations.htm


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