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dimanche 9 juin 2013

En lavoirs ou pas


L'achat d'une carte postales ancienne me donne le prétexte à ce post.

Guémené dans son ensemble possède quatre lavoirs : deux à Guémené même, un à Beslé et un à Guénouvry. Ici comme ailleurs, ces bassins publics se sont développés dans la seconde moitié du XIXème siècle, sous la poussée de l'hygiénisme . Une loi de 1851, en réaction aux fréquentes épidémies de varioles, choléra et typhoïde, permet en effet de subventionner la construction de ces équipements, par les communes. Sinon, la blanchisserie domestique se heurtait à des difficultés pratiques qui limitaient passablement la fréquence du lavage des draps et des vêtements.

La carte postale que j'ai achetée montre le lavoir près du Don et du Grand Moulin, au Pontret. Plusieurs femmes (six ou sept), assez jeunes apparemment, y font la lessive agenouillée au bord de bassin. Une autre, une imposante grand-mère au profil avantageux cerné d'un tablier à carreaux, en coiffe et manches retroussées, tient une brouette vide (mais ce genre de brouette pèse déjà son poids, même sans charge !) et toise le photographe. On distingue encore un enfant, un panier en osier tressé, des piles de draps, une sorte de lessiveuse et un agenouilloir garni de tissu pour ménager les genoux de la lavandière.



J'ai conservé pieusement le battoir, l'agenouilloir (la "boîte"), la lourde brouette et la lessiveuse (avec tout son attirail) de ma grand-mère Gustine qui a tant peiné à laver son linge, et surtout celui des autres, pendant une bonne partie de sa vie, y compris à ce lavoir.

Combien de draps battus et lavés à la cendre, combien de boules de "bleu" pour donner de l'éclat au blanc n'ont-ils pas été utilisés au bord de ce bassin ? Combien de paroles échangées entre ses femmes, de potins, de médisances...?

Et puis, la pente à remonter avec les brouettes alourdies de linge humide ; les draps que l'on étend sur l'herbe ou sur une haie d'aubépine, les accrocs, les cris...

Sur la carte postale, le lavoir n'est pas couvert et ne possède pas de chaudières non plus, comme cela est le cas aujourd'hui.

Voici quelques photos prises dans cette vieille partie du bourg, ainsi qu'une carte postale des années 70-80, où l'on voit ce lavoir, avec ses belles pierres bleues et les chaudières sur le côté.








Mais ce printemps, en errant autour de la Cure où j'avais un rendez-vous, j'ai découvert un magnifique coin de Guémené où je ne m'étais jamais rendu. J'étais en avance et j'avais un quart d'heure à perdre. J'ai donc emprunté le petit chemin qui longe la Cure vers le Don (l'Impasse de la Cure), perpendiculairement à la route. On suit à gauche le mur qui enclot cette Cure et l'on découvre sur la droite un jardin bordé de vieux palis.




Au bout de ce chemin, s'ouvre la prairie qui borde le Don. Au bas du jardin de la Cure qui paraît en déshérence, à son angle sud-ouest, se trouve un autre lavoir, restauré, à ciel ouvert et à tous vents. A côté, une fontaine entourée d'une niche en pierres bleues et couverte, sur laquelle on a posé une grille. Sa belle pierre de seuil a été marquée de l'empreinte de "tagueurs" locaux et porte étrangement un "Le Lavoir" en lettres bleu clair...











L'espace ne retentit plus du claquement de battoirs sur les draps humides et lourds ou de celui des sabots sur les dalles qui bordent le bassin. L'espace ne bruisse plus du caquetage des femmes du bourg de Guémené. Un grand silence règne désespérément sur ce coin abandonné.

Ainsi, le progrès bienvenu et le temps ont chassé les lavandières de Guémené, comme ma Grand-mère Gustine, qui se sont réfugiées dans nos souvenirs, la littérature et le Néant.

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