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vendredi 26 février 2016

Coins et recoins d'église


Si vous êtes nés avant 1960 et que vous avez fréquenté l'église de Guémené dans votre enfance, vous devez vous rappeler l'ancien choeur, celui qui, en gros, ressemblait au choeur originel de cet édifice.

C'est en 1970 que ce choeur est adapté aux exigences de la messe post-Vatican II, quand les prêtres doivent désormais regarder la foule des fidèles et non plus leur tourner le dos.

Une photo permet de se figurer à quoi cela ressemblait.











Au centre domine l'autel. Mais il est séparé de la nef par une clôture, une petite barrière basse qui court sur plusieurs mètres au-dessus des marches qui mènent à l'autel, dont on imagine le dessus revêtu de velours rouge. Les enfants s'agenouillaient sur les marches, les coudes sur la barrière et recevaient l'hostie avec piété.

Cette barrière a été enlevée et clôt désormais la chapelle de la Vierge dans le transepts est.

Descendant de la voûte deux lustres imposants venaient éclairer l'endroit.

L'autel était surmonté d'un Christ en croix (en bois) et flanqué de deux anges.

Ici et là, des saints de plâtre coloriés, une croix offerte lors d'une Mission.

L'orgue, alors actionné par une soufflerie manuelle, invisible sur le cliché, se tenait au fond du choeur où les murs de ce dernier était couverts d'une boiserie sombre.

Tous les trésors ont disparu de la vue au détour des aménagements de 1970.

Mais dans les resserres du bâtiment où furent bannis ces objets d'une autre époque, d'une autre Eglise, la poussière et les araignées tiennent encore compagnie à ces vestiges que les hommes et les femmes, et les enfants aussi de Guémené, ne saluent plus.

Le monde paroissial ancien, celui des frairies et des bannières, des Rogations et des Fêtes-Dieu, s'est effondré, une civilisation a quasiment été rayée de la carte, faite alors d'une foi et d'une unanimité inimaginables aujourd'hui, dont il ne reste plus, épars, que quelques signes humains ou matériels.

***

Dans leur abris d'oubliés, au Purgatoire, les saints de plâtres semblent invoquer le ciel non plus comme intercesseurs de pauvres pêcheurs implorants une grâce, mais pour eux-même, pauvres isolés descendus de leur piédestal, relégués, ignorés, effacés.

Un Jésus enrobé de pourpre miteuse prend à témoin les mouches de l'ingratitude du monde. Il n'y a pas de signe sur son visage à la barbe bien rasée, d'animosité ou de souffrance. Une fièvre toutefois empourpre ses joues.

Pour paraphraser Don Diègue : a-t-il donc tant souffert que pour cette infamie ? Déchu, il indique, d'une main rose marquée d'une petite tache de sang, son sacré coeur, à l'instar d'un mendiant exhibant une plaie pour attendrir l'improbable passant, et tend l'autre main, sale, dans l'espoir éternellement déçu de quelque aumône nécessaire à sa survie.

Son voisin de gauche adresse au ciel un regard excédé. Ce Saint Jacques porte une sorte de capuce constellé de coquilles. Il tient son bâton de pèlerin de la main droite et un pauvre mouton (est-ce un chien ?) au poil sombre est accolé à sa jambe droite qui, assez incompréhensiblement, a pris la même couleur que l'animal.

Il semble invoquer le ciel pour se plaindre d'une morsure d'araignée à la cuisse gauche, juste au dessus du genou, relevant légèrement sa robe pour révéler l'outrage arachnéen. Mais bon, personne ne s'intéresse plus guère à son cas.






















A ses pieds à gauche, les deux angelots qui jadis ornaient l'autel, vêtus d'un robe serrée à la taille par un nœud, croupissent dans la pénombre poussiéreuse. Leurs pieds sont perdus dans un nuage et ils reposent sur des débris de pierre tombés du bâtiment. 

Leur beauté impassible, cueillie dans ce qui ressemble à un sommeil serein, leur donne un air de Belles au Bois Dormant attendant certains princes charmants pour les sortir de leur torpeur et de leur relégation. Hélas, leur sommeil est éternel, et la crasse s'accumule sur leurs boucles noires...






















Saint Cornelys également attend patiemment des jours meilleurs. Le bovidé à ses pieds a la taille d'un petit chien et, comme tous les bovidés, regarde les trains passer. Le saint homme porte la tiare papale et tient un livre dans la main droite. Eh oui, après avoir été persécuté par l'empereur romain Trébonien Galle, il faut encore subir l'outrage des merdes de mouches en ce réduit !






















Et voilà-t-il pas un reste d'enfant Jésus dans une boite en carton remplie de sable ! On pense au massacre des Innocents, à la Saint-Barthélémy, à tous ces dépeçages d'enfants dont l'Histoire est friande. Le tronc de Saint Roch lui fait comme une tête détachée : combien d'espoirs paysans n'ont-ils pas passé par la fente de cette boite sous forme de gros sous ? Et d'ailleurs, où est-il passé, le bonhomme Saint Roch ?





















On monte quelques marches de bois. Voici la croix qui dominait l'autel ancien que les outrages du temps ont peu marquée. Le Christ paraît bien un peu perdu sur cette grande croix grise...





















A droite, dans la pénombre gît une autre croix. Elle a perdu son Christ et semble à jamais reléguée. Et pourtant, en 1901, vingt-huit anciens marguilliers de la paroisse s'étaient présentés pour porter le brancard sur lequel elle reposait. Offerte M. le comte du Halgouët, c'était un souvenir de la Mission de cette année-là, qui fut placé dans l'église, sur le pilier en face de la chaire.





















Et la lumière fut...Dans un autre recoin trop étroit pour leur majesté, les deux lustres monumentaux qui naguère éclairaient les dévotions du bourg et des camapgnes, vers qui tant d'encens est monté en volutes âcres, végètent ad aeternam. Un travail important serait nécessaire à leur remise en état, mais la force, pas plus que la lumière, n'y est plus...





















(à suivre...)

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