Dans un article récent consacré aux vitraux de la chapelle des Lieussaints, j'indiquais n'avoir pas identifié le couple de commanditaires (et donateurs) des deux vitraux les plus intéressants où figurent néanmoins leurs blasons.
Au terme d'une enquête palpitante dont je vous épargne les méandres, je crois pouvoir être en mesure de fournir une solution à cette énigme.
Pour rappel, le thème central de ces deux vitraux est, d'une part, une scène coloniale figurant un groupe de soldats menés par un officier dans un décor exotique et, d'autre part, une scène à connotation religieuse représentant deux femmes, probablement la Vierge et Sainte Anne, sa mère.
Dans le précédent article, j'émettais l'hypothèse que le blason à fond blanc avec trois feuilles de houx pouvait renvoyer à la famille (comtale : d'où la couronne) Guériff de Launay dont un représentant, vers la fin du XIXème siècle, demeurait au château de la Herbretais à Marsac-sur-Don, commune riveraine de Guémené, comme on sait, et dont la chapelle dépositaire des vitraux en question est proche (le site de la chapelle est quasiment équidistant des deux bourgs).
Il se trouve que ce comte marsacais avait pour épouse une dame de Courcival. Moyennant quelques investigations j'ai trouvé des compléments décisifs sur la famille de Courcival, dont le nom complet est Stellaye de Baigneux de Courcival (les noms nobles sont souvent encombrants : il faut donc des demeures vastes pour les abriter. Voilà sans doute pourquoi ces gens-là ont tendance à habiter des châteaux).
Je suis donc tombé sur une plaquette anonyme qui raconte l'histoire de cette famille avec, en quatrième de couverture, les titres et les armoiries de ces braves gens. Evidemment, le blason est en noir et blanc. Mais les motifs (les trois étoiles) évoquent farouchement le blason de droite sur les vitraux. De plus, sa description en jargon héraldique confirme la proximité entre le blason des de Courcival et la représentation de la chapelle : "de sable (noir), chargé de trois étoiles d'or".
Ainsi donc, les donateurs de ces deux vitraux sont le comte Clément-Marie de Guériff de Launay, capitaine au 12ème Dragons de ligne, et Adèle-Renée Stellaye de Baigneux de Courcival (fille de marquis) née à Mortagne le 13 novembre 1836 et épousée le 17 mai 1858, châtelains de la Herbretais en Marsac.
Reste à savoir quelles furent les motivations qui les amenèrent à faire ce don à cette chapelle.
Je vais donc me risquer ici à une double proposition d'interprétation.
La scène colonial fait peut-être allusion à leur troisième enfant (sur quatre), Auguste-Jules, né le 13 septembre 1862 et qui fut brigadier au 2ème Dragons.
Ce pauvre Auguste mourut en effet à Madagascar dans la fleur de l'âge, le 20 novembre 1899. Mais surtout il était titulaire des Médailles Coloniale et du Dahomey et était également Chevalier de l'ordre du Dragon d'Annam. Visiblement le brigadier avait roulé sa bosse du Zambèze à la Corrèze, plus colonial tu meurs (en effet) !
Ce vitrail est possiblement un hommage de parents endeuillés à un fils mort au service de la France et de ses valeurs civilisatrices, une sorte de stèle commémorative à la mémoire de celui qui demeurait sans sépulture sur le sol de la Mère Patrie.
Dans le même ordre d'idée, je suggère que le second vitrail soit aussi une sorte de stèle en souvenir d'une parente également soustraite au monde.
On trouve en effet qu'une sœur de la châtelaine de la Herbretais en Marsac, Stéphanie-Charlotte Stellaye de Baigneux d'etc... fut reçue dans le "noble Chapitre des Dames Chanoinesses de Sainte-Anne de Bavière". Tout un programme qui sent la clôture et l'éloignement : bref une mort au monde séculier.
Je propose donc que ce vitrail fasse référence à cet engagement en rapport avec la dame à laquelle est dédiée la chapelle, à savoir la brave Sainte Anne.
Voilà, bonne soirée et à bientôt pour d'autres aventures.
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