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dimanche 18 novembre 2012

Conscrits de 1922 (et d'avant)

Je vais encore vous parler de mes aïeux. Cette fois, c'est surtout de mon grand-oncle François Ferré qu'il est question.

Il était né le 2 décembre 1902 : il s’apprêterait donc à fêter ses 110 ans si un sort funeste n'avait depuis belles lurettes contrarié cette belle perspective.

En fait, je n'ai que deux souvenirs de lui : sa photo en militaire majestueux et moustachu qui trône dans la grande pièce de la maison à Guémené ; et puis cette photo retrouvée au fond d'une boite, où il figure avec ses camarades de la classe 22 de Guémené, déguisé en conscrit.



La photo doit donc dater de début 1922. Grand-tonton est le jeune freluquet assis à gauche : rien d'un Hercule belliqueux, comme on voit.

Je vais ici terminer la navrante histoire de ce jeune François à l'air si peu martial, afin de passer ensuite à d'autres choses plus instructives et édifiantes.

Ayant échappé par son jeune âge à la guerre de 14-18, il mena une existence paisible et paysanne à La Hyonnais, à Guémené, chez maman (mon arrière-grand-mère Françoise Brard), célibataire et taciturne (ma mère ne l'aimait pas).

Mobilisé pour la guerre suivante, il alla par une nuit sans lune saluer des amis habitant le Boulevard (de la Gare, aujourd'hui  : de Courcelles). Bien mal lui en prit !

A peine sorti de ces adieux hivernaux (nous sommes la nuit, le 31 décembre 1939 ou bien même le 1er janvier 1940), et sans doute bien chargé de gniaule pour affronter la pénombre et le froid, voilà que grand-tonton s'égare et tombe en contrebas de cette artère (dans une carrière), se rompant le cou. Fin de carrière de mon grand-oncle, si j'ose dire...

Ce refus d'obstacle face à l'ardente obligation de partir défendre la Patrie Sacrée n'échappa pas au curé de Guémené de l'époque qui, paraît-il, refusa un temps, au grand dam de ma pauvre arrière-grand-mère Françoise, de l'enterrer religieusement au motif qu'il l'aurait fait exprès pour éviter la guerre. Ah,  charité chrétienne, quand tu nous tient...

Enfin, R.I.P...

Mais je reviens à ma photo : que sait-on de nos jours des fêtes de conscrits d'antan qui faisaient résonner les bourgs et les campagnes, avec leurs déguisements et tout le reste ?

Je vous propose deux éclairages successifs.

D'abord un peu d'histoire puisée à la source Internet, où je ne me lasse pas de me désaltérer.

Déjà en vigueur antérieurement, une (nouvelle) loi sur la conscription, sous le Second Empire, imposait à tous les jeunes gens, un tirage au sort. Un simple numéro puisé dans une urne avec une frange tricolore décidait si le conscrit allait partir pour 7 ans ou s'il était dispensé. Différents moyens permettaient, cependant, d'éviter le pire.

La loi de 1872, au début de la Troisième République, établit l'obligation militaire pour tous. Cependant un tirage au sort subsistait pour départager ceux qui allaient servir pour 5 ans, puis 4 ans, et ceux qui ne devaient servir que 6 mois ou 1 an.

La loi de 1889 fixa une durée du service militaire égale pour tous à 3 ans. Le tirage au sort subsista symboliquement.

La loi du 21 mars 1905 abolit le tirage au sort et fixa la durée d'incorporation à 2 ans.

Jadis donc, le tirage au sort était important dans la vie des hommes, l'orientant pour plusieurs années. Ce tirage au sort avait lieu en public au début de chaque année, dans tous les chefs-lieux de canton en présence du préfet, assisté du maire de la commune. 


Les jeunes gens en âge de ce tirage au sort se réunissaient la veille, pour chanter, boire et danser pendant le banquet qui durait toute la nuit.

Ils revêtaient un complet noir et un gibus qui n'étaient ensuite utilisés que le jour de leur mariage. La première année, bien avant ce que j'évoque, en 1798, deux jeunes gens se présentèrent au tirage au sort dans cette tenue car ils n'avaient pas eu le temps de changer de vêtements.

Par la suite tous les conscrits ont gardé cette tenue et l'habitude de la fête.

Cela étant dit, je ne résiste pas au plaisir de vous transposer une sainte lecture : un article tiré de la "Vie diocésienne : bulletin de l'activité catholique", n°8 en date du 25 février 1893 faisant écho à la réaction non seulement patriotique, mais également spirituelle et religieuse de nos braves garçons de 20 ans du canton de Guémené, précisément de Pierric.

"...Les conscrits ont donné un exemple admirable.
Le tirage au sort avait lieu le mardi 31 janvier, jour d'une réunion spéciale pour les hommes [tu m'étonnes ! NDLR]. Malgré une pluie battante et une distance de trois lieues séparant Pierric du chef-lieu de canton (Guémené-Penfao), nos jeunes gens, sans nulle exception, se mettant en route immédiatement après le tirage de leurs numéros, ont fait une entrée triomphale à l'église juste au commencement du sermon. Ils avaient fait retentir les rues du bourg du chant enthousiaste de l'Ave Maria."

C'est beau, mais qu'est ce début, à côté de la suite admirable :

"Et les hommes de Pierric, réunis en foule, électrisés et fiers d'un si magnifique exemple, chantaient à pleine voix et d'un coeur joyeux : "Je suis chrétien, voilà ma gloire !""

Le goupillon n'est décidément jamais bien loin du sabre.

 

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