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samedi 24 novembre 2012

Le remède à deux fins (rimiaux)


Je reprends la publication des rimiaux de l'Abbé Chenet. 

J'ai "mixé" deux versions du texte : l'une issue de l'édition de 1939 ; l'autre, peu différente, trouvée sur Internet. J'ai en principe vérifié que chaque vers soit bien un alexandrin...

Voici donc aujourd'hui l'histoire d'un remède à double emploi.

Ce conte stigmatise une fois de plus l'avarice des paysans et met en scène leur pragmatisme brutal. Il rappelle aussi, au détour de l'histoire, leur ivrognerie foncière.

Il égratigne également au passage les médecins, dont, en somme, la moitié guérit les malades sains...

Enfin, l'épilogue démontre qu'à défaut de sauver les animaux malades, le vétérinaire de Guémené (Bec-à-vin !) pourrait bien soigner les femmes...

Have fun ! comme on dit en (Grande) Bretagne.


Je n’ voudrais bien sûr point dir’ du mal des méd’cins :
C’est du mond’ comme les autr’ ; et y’en a d’ ben honnêtes,]
La moitié vous guériss' mêm’ quand vous n’avez rin.
Et y’en a qui val’ ben les siens qui soign’ les bêtes.
Mais dam’ y prenn’ pu cher, et ça vous coût’ des sous.
Et comm’ disait dans l’ temps, Jeulien d’ la Bazina
Perd’ sa bonn’ fomm’, ça compt’, mais perd’ sa vach’, c’est tout.]
Et j’ va vous dir’ l’histoir’ qu’arrivit à c’ gars là.
L’année, ou y’eut tant d’ cid’ qu’on l’ donnait aux gorets]
Et qu’on s’ soulait pour rin, quasiment sans piaisi
Sa vache avait enflé, enflé sauf vout’ respect
Comme la treuille à Nanon, et en mêm’ temps, voici
Que sa fomme aussi elle enflait comme un’ bouzine
Y’s’ dit : « Dam’, c’est pas rin, deux malad’ à soigneu.
Ben sûr, j'vas me ruiner à payer d’ la méd’cine,
Le méd’cin et l’hongreur. Faudra-t-y en donneu ! !
Mais à quoi bon les deux, pisque la pauv’ garette
Et Nan’ Marie, ma fomme, ont la mêm’ maladie.
Quérir deux médecins ? Dam’ point j’ se pas si bête
Le mêm’ f’ra ben l’affair’ et leur sauv’ra la vie.
Le méd’cin est pu cher: j’ vas chez l’ vétérinaire,
J’ vas li parleu d’ ma vache, y m’ donn’ra un’ potion
Et pour mes deux malad', dam’, ça f’ra ben l’affaire. »
Y fut donc à Guém’neu, trouveu Jean Bec-avin :
Il l’y prit pas trop cher, vantié ben deux pistoles
Dam’ ça n’ tait pas l’ voleu, auprès d’un vrai méd’cin.
Y l’y donnit qu'eq chous' de naill' dans un’ p'tit’ fiole.
Et Jeulien en fit boir' la moitié à sa Nane
Et l’ restant à sa vach’ qui malgré yell’ le prit.
Vous m’ crerez si vous v’lez, mais d’ la sacrée tisane,
La bourgeoise en guérit, s’ment la vache en kervit.

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