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mardi 6 novembre 2012

Croix de Messidor

Je l'appelle la Croix de Messidor, mais au fond je ne connais pas son nom. On la trouve sur la route de Guénouvry, après Gascaigne et avant le château de Bruc, le dos à la lisière du bois de Juzet, acculée, protégeant de ses bras cette forêt d'on ne sait quelle attaque venue du sud, éblouie de soleil.

Il y a, dans ce monument esseulé, quelque chose de dérisoire et d'héroïque aussi, gardien d'une mémoire qu'on peine à pénétrer et partager, en ce lieu improbable où nul passant ne s'arrête, où aucun hommage n'est donc possible.

Je suis passé ici à pied par une fin d'après-midi lointaine, dans le vent et la pluie, l’obscurité qui gagnait. C'était à la fin de l'hiver, aux vacances de février 1973 : avec un camarade, nous venions  à Guémené tenter d'oublier, de conjurer, l'horrible et très récent décès d'un condisciple.

Nous avons cru peut-être y réussir sur le moment, mais aujourd'hui encore je crois que ce n'est pas le cas.

Comme le souvenir de cet évènement,  comme celui de ce passage juvénile devant cette croix désormais reculé dans le temps, le souvenir de ce qu'elle commémore est perdu, pour ainsi dire, et la peine qui y est associée nécessairement est également incompréhensible, intransmissible.

Enfin, revenons à l'Histoire.

On ne l'aperçoit qu'en arrivant dessus, nichée dans un parterre de fougères que l'automne a bruni.


C'est une croix simple, peinte d'un affreux marron clair, fichée dans un socle maçonné de pierres bleues, à l'ancienne, et qui n'est pas sans rappeler celui de la croix du cimetière qui date de 1832. Sans doute ce mémorial remonte-t-il du XIXème siècle, sans qu'il soit possible d'être plus précis.

Un écusson, peint de la même couleur que le reste, est présent à l'intersection des deux bras de la croix. Il affiche que ce monument commémore le "combat du XXII Messidor an III".


Messidor, premier mois de l'été, "mois des récoltes", littéralement. Le 22 Messidor an III correspond au 10 juillet 1795.

Des soubresauts agitent l'Ouest, et en juin un débarquement royaliste s'est produit à Quiberon que le général Hoche va réduire. Parallèlement, un millier de chouans conduits par le colonel Terrien (dit "Coeur de Lion"), chef de la région de Chateaubriand, se sont rués sur Guémené-Penfao tuant paraît-il huit républicains.

Même si huit vies sont beaucoup de choses, à l'échelle de l'Histoire la moisson est cependant médiocre pour le parti réactionnaire.

En ce Messidor an III, la République tient bon en Guémené. D'ailleurs, elle vaincra d'ici peu.

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