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lundi 4 mars 2013

Jeux d'enfants à la Hyonnais


Parmi les raisons qui m'amènent à écrire ces articles qui finissent par occuper tout mon temps libre, il y a l'inextinguible nostalgie des longues vacances familiales passées à La Hyonnais entre 1957 et 1969 environ.

Ce n'est pas un sujet très nouveau, et il offre de surcroît peu d'intérêt direct pour ceux qui s'aventureraient à en parcourir le développement que j'en propose aujourd'hui.

Tant pis, j'en ai envie.

La Hyonnais, ce n'est pas un fantasme. C'est d'abord un hameau au Nord du bourg de Guémené, mais c'est aussi des images qui immortalisent cette époque.

Ce hameau, c'était des gens et des lieux de jeu, un vaste théâtre de personnages et de décors où la pièce de notre enfance jouait ses actes estivaux.

Toute métaphore mise à part, nous y avons quand même donné une représentation "théâtrale" en août 1967 (très probablement), dans une grange antique aujourd'hui disparue, à laquelle tous les habitants étaient venus assister. Mon père m'avait fait parvenir par la Poste une vaste feuille de papier d'emballage sur laquelle nous avions peint un décor. Nous y avions représenté la campagne, avec une meule faite de morceaux de paille collés. A la fin du spectacle, il avait distribué des prix et je fus très mortifié que Serge, mon seul vrai ami d'enfance, qui jouait et improvisait un poivrot avec (trouvai-je) beaucoup d'exagération, reçût le premier prix : une pièce d'un demi-franc...

Serge, d'ailleurs, fait toujours du théâtre amateur : qui sait si sa vocation durable ne vient pas de ce lointain épisode moliéresque...

La Hyonnais, c'était des gens et un décor. Pour les évoquer, j'ai pris un extrait de cadastre où j'ai marqué des repères numériques que je vais commenter.



1 - La maison de Grand-Mère Gustine : une pièce sans eau courante où l'on vivait. Séparé par un épais mur : le cellier plein de vieilles barriques à cidre toutes noires où je venais planter, sur mon petit établi, des clous dans des bouts de bois (ce fut une grande occupation de mon enfance, avec une prédilection marquée pour les croix. Comme quoi le passé ne prêche pas forcément pour l'avenir).

1bis - L’écurie et le poulailler (ancienne soue à cochons), en face la maison de Grand-Mère. C'était un endroit mystérieux où un cheval, paraît-il, avait vécu. Quand il pleuvait, nous y venions "battre le blé", c'est-à-dire passer des paquets de foin sur la roue de la vieille et lourde brouette (berouette) à battants de bois que nous faisions tourner en faisant un bruit de moteur avec la bouche.

2- La maison des voisins et amis par excellence : René et Lucienne et leurs deux fils, Serge et Marc.   Je n'en dirai pas plus, sauf à trahir ce que fut leur gentillesse en dépit d'une vie difficile qu'un livre suffirait à peine à décrire dans toute son ampleur.

2bis - Le cellier et les "ruines" de René. Il faisait nuit noire dans ce cellier. Les hommes s'y glissaient pour une bolée, c'est-à-dire une verre Duralex qui faisait le tour des présents. Mon père ne dédaignait pas d'y passer à l'occasion. Le linteau de bois de son entrée était la potence des poules et lapins voués à la marmite...Il y avait à côté, dans les "ruines", une magnifique cheminée à corbelets de pierres bleues, que l'on aperçoit sur une photo que je propose ci-après. C'était sans doute la demeure des Rochedreux de la Hygnonnais, nobliaux de robe du XVIIème siècle qui possédaient la terre alentour. On dit que des souterrains en partent, vers la Vieilleville, en face, ou la Vieillecour, derrière.

2ter - Le jardin de René. Un vrai vieux jardin paysan, un peu abandonné par endroit, avec des fruits, pommes, poires, pêches, abricots, cerises, prunes, noix, ce qui me paraissait magique d'un point de vue parisien.

3 - Le "petit pré". Vestige d'antiques et abscons partages de famille, une langue de terre partait au sud de la cour de la maison. C'était la cour de récréation, l'endroit où s'édifiait la cabane rituelle faite de perches de bois et de sacs en plastique à engrais, dans laquelle nous faisions de la farine avec un moulin à café. A côté, un portique à balançoire, très rustique, dont les montants bougeaient...y avait son siège.

4 - Le puits. Chacun sait qu'à l'époque ce n'était pas un accessoire pittoresque du décor campagnard. On y puisait toute l'eau dont on avait besoin jusqu'à l'arrivée du "service d'eau". Un jour, un chat y était tombé. Notre voisin René, encordé et retenu par notre autre voisin Roger, y descendit pour ramener la pauvre bête : je revois la scène comme si j'y étais (j'y étais).

5- Le jardin de Grand-Mère Gustine. Il fallait se couler derrière le puits par un passage ménagé dans une sorte de haie. Une petite porte de bois, et l'on pénétrait dans le jardin de Grand-Mère. Je pense qu'il devait faire 2 mètres de large sur 10 mètres de long, pas plus. Autant dire qu'on n'y trouvait que l'essentiel. J'ai souvenir de poireaux, d'oignons, d'un poirier maigrichon, des glaïeuls et des dahlias qu'on emportait au cimetière. Dans un autre registre de senteurs, c'était aussi l'endroit discret des besoins qu'on ne pouvait assouvir "à découvert", selon l'habitude du pays. J'y partais fièrement avec la "tranche" à piquer les poireaux.

6- La maison d'Estelle. Personne ne l'aimait dans le village et on l'appelait "la vieille". De temps en temps, elle nous régalait pourtant d'un petit verre de crème de cassis. Mais rien n'y faisait et la haie de yuccas qui bordait son pignon, où quelques fois nous venions nous piquer au grand dam de nos parents, était la meilleure expression de son caractère (supposé).

6bis - La grange d'Estelle. Nous n'avions pas trop le droit d'aller par là. Elle venait de temps en temps nous en chasser. Nous fuyions quand nous apercevions sa petite silhouette en blouse imprimée, surmontée d'un grand chapeau de paille à ruban.

7 - La maison de Roger. Peu à dire sur cette maison. Mais je suis redevable pour toujours à ses habitants de m'avoir fait découvrir la vie de la campagne, l'odeur de la terre et du bois et les vaches.

7bis - Le champ à Roger. Situé derrière les "ruines" de René, c'était l'autre terrain de découverte. On y courrait, on y montait aux arbres, on s'y reposait, on y ramassait les petits rosés des prés en septembre. J'ai le souvenir d'une chaude journée d'été où nous étions allés en fin d'après-midi nous y poser sur une couverture dans l'ombre bienfaisante des bâtiments de René. Il y avait là notamment Lucienne, la maman de Marc et Serge. Tout le monde s'adonnait à des travaux de couture, de broderie ou de canevas (mon cas).

8 - L'étable à Roger. C'était une coutume que d'aller chercher les vaches, le soir. Quoi de plus docile, mais quoi de plus étrange que ces gros animaux idiots pleins de bouses et de mouches, beuglants et lourds. Nous avions aussi le privilège de les "nacher" : pour cela, il fallait marcher dans l'étable empissée et passer le bras tendrement autour de la grosse tête du bovidé, nos petits bras nus d'été frottant leur poil rêche. Je revois Christiane, la joue affectueusement collée au flanc de la bête, sur son petit trépied, tirant les pis d'où sortait le lait. Evidemment, tout cela me paraissait très peu hygiénique. Au passage, on ramenait pas mal de puces de nos divers côtoiements animaliers...

9 - La maison du Père Després. Les enfants sont cruels. Le bonhomme Després était sans doute la bonté même, mais il faisait un peu peur. Il avait une face de crapaud sombre et grumeleuse que trouaient de petits yeux bleus aqueux cerclés de rouge. Il avait une voix rauque de poitrinaire. Il habitait seul sa petite pièce obscure où on le trouvait près de sa cheminée à l'ancienne. Je venais le voir régulièrement car il me demandait de lui acheter au bourg, où je me rendais à vélo pour faire les courses, du tabac à chiquer. Il prenait ses sous dans un vieux porte-monnaie avec ses doigts gourds, et à mon retour, en échange de sa "carotte", il me gratifiait d'un bonbon. Il me semble que son regard et toute son attitude indiquaient qu'il aimait les enfants.

10- La maison de la Mère Boussaud. Je n'ai jamais su l'orthographe de son nom. Ni son prénom ni celui de son mari, homme taciturne et effacé. C'était une vieille bigote à l'ancienne qui ressemblait à une sorcière (regard d'enfant). La preuve : elle vivait "à l'ancienne heure"! Édentée aux joues creuses, on ne comprenait pas grand-chose de ce qu'elle racontait. Notre grande joie était d'arriver à  lui faire chanter des cantiques...Je ne sais quels arguments nous utilisions, mais toujours est-il qu'elle nous en a chantés (faux). Elle avait un neveu ou un petit-fils séminariste, je crois, qui roulait en 2cv (évidemment) et à qui elle vouait une grande admiration. Malheureusement pour elle, il bifurqua avant d'arriver à la prêtrise.


Et maintenant qu'elle "pièce" jouions-nous ?

Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'en écrire beaucoup. Voici quelques photos de La Hyonnais et de ses anciens enfants, et puis la vidéo déjà postées naguère de la "cavalcade des enfants" dans le décor des bâtiments et de la nature de ce hameau. Tous les enfants qu'on y voit s'amuser sont toujours vivants, mais ne s'amusent plus guère.











  





  

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