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samedi 8 décembre 2012

La Ligne 464 000 passe à la Rabine


Il est difficile d’avoir passé tant de temps à la Hyonnais, dans mon enfance, d’avoir descendu et remonté le Boulevard à pied et à vélo tant de fois, sans que la Gare (du Nord) de Guémené et les vestiges de la ligne de chemin de fer qui la desservait ne soient de quelque importance dans ma cosmogonie mémorielle (les hauts lieux de mes souvenirs, pour le dire en français…).

Il y a bien sûr le bâtiment de la gare qui reste attaché pour moi à la figure du père et de la mère Mudet, qu’on saluait en passant avec Grand-Mère Gustine, et qui, de leur petit jardin où fut jadis le parking de cette gare, répondaient bien gentiment. Le bonhomme avait été le dernier chef de gare et ma grand-mère avait travaillé au début des années 60 chez son gendre, au bas du Boulevard, à s’occuper des enfants dont la quantité était, à mes yeux, incalculable.

Mais au nombre des autres vestiges pour moi significatifs de ce passé ferroviaire qui me concerne, j’ajouterais la maisonnette du passage à niveau, près du Pivert, avec son puits à haute margelle cylindrique, et, bien sûr, vers la Rabine, le fantôme de la voie abandonnée, dénudée de ses rails, traverses et ballast, emplie d’herbes folles où l’on disait les vipères pulluler.


Contrairement à l’autre ligne de chemin de fer qui plus tardivement traversera Guémené du Nord-Ouest au Sud (dont j’ai parlé récemment sur le blog), cette ligne-là ne fut pas empruntée par de grands trains. Non, c’était une petite ligne de liaison.

Son tracé (qu'on peut toujours suivre à l'oeil nu sur Google map !), venant de Beslé, partait sur Massérac puis bifurquait au niveau du village de la Thébaudière, passait à la gare de Coismo où une halte s’effectuait.

Ensuite la voie était parallèle à la route de Massérac à Guémené, longeant au Nord St-Yves, Friguel et Feuilly. A ce niveau, elle poursuivait jusqu’au-dessus du Pont-Esnault vers lequel elle passait sous un pont à rebords métalliques sur la route de Beslé, puis s’intercalait entre la route de Guémené et les villages de Launay-Richard et de La Grée Caillette.

Peu après, c’était la Gare de Guémené-Penfao, trônant en haut du Boulevard (aujourd’hui « de Courcelles »). Je ne peux d’ailleurs m’empêcher de faire un parallèle entre le Boulevard de Guémené où la majestueuse Gare républicaine répond, au Nord, au chevet de l’imposante Eglise située au Sud, et les Champs-Elysées à Paris où l’Arc-de-Triomphe et l’Obélisque de la place de la Concorde sont l’alpha et l’oméga de cette grande et fameuse artère.

Passée cette gare, la ligne continuait en suivant la rue de la Rabine, traversant à un moment la route du Brossay (maisonnette de passage à niveau de la photo ci-dessus). Elle devait se poursuivre par St-Joseph du Nain (maisonnette de passage à niveau), la Helberdais, le Gros Chêne. Elle traversait la route de Pierric (maisonnette de la Cour Neuve) et continuait vers l'actuelle déchetterie qu'elle longeait au Nord.

Le tracé se rapprochait progressivement de la route de Derval, quittant bientôt le territoire de Guémené. Le train s’arrêtait ensuite à mi-distance de Conquereuil et Pierric au lieu dit « la Gare ».

Il est, au passage, curieux de noter que les gares ou les haltes sont toujours loin des bourgs : la gare de Coismo est à 1 km au moins de Massérac ; la gare du Nord à Guémené est à plusieurs centaines de mètres du centre bourg ; la gare de Conquereuil-Pierric à 3 ou 4 km de ces deux bourgades ! On imagine, selon les époques, le ballet des charrettes, le car, voire une Celtaquatre Renault peut-être …

Voici maintenant ce qu’on peut dire de l’histoire de cette ligne dont le nom est soit « ligne de Chateaubriand à Massérac » soit «Ligne de Saint-Vincent-des-Landes à Massérac », mais qui porte le numéro 464 000 du réseau ferroviaire national.

La ligne fut inaugurée par la Compagnie des Chemins de Fer de l’Ouest le 11 avril 1881. Elle reliait Chateaubriand, via Saint-Vincent des Landes, Derval, Conquereuil-Pierric, Guémené et Massérac, à la ligne Rennes-Redon, peu après qu’elle quitte Beslé. La gare de Massérac fut créée pour l’occasion.


Trois trains, dans les années 20 du siècle passé, desservaient cette ligne, dans les deux sens. Au demeurant le trajet n’était pas spécialement rapide et il fallait plus d’une heure pour se rendre de Guémené à Chateaubriand situé pourtant à seulement 40 km. Il faut bien dire que train s'arrêtait toutes les 10 à 15 minutes...

Trois trains de voyageurs partaient de Chateaubriand, le matin tôt, à l’approche de midi et en soirée. Idem au départ de Redon.

Ces trains arrivaient à Guémené vers 6 heures - 6 heures et demi, le matin ; vers 13 heures  - 14 heures ensuite et enfin vers 17 heures ou vers 20 heures 30, le soir.

Cette ligne portait cependant un trafic marchand assez important. Dans les années 30 tourmentées et inquiètes de la montée en puissance de l’Allemagne, ma mère se souvient que des wagons de pommes transitaient, en route vers ce pays. Elle conserve dans l’oreille une réflexion que les gens faisaient parfois à ce propos : «  On envoie les pommes en Allemagne, les allemands pourraient bien nous retourner des pépins ».

C’est d’ailleurs dans l’année de la déclaration de guerre avec le Reich hitlérien que cessa le trafic voyageur. Le père Mudet n’en fut pas quitte pour autant car le trafic marchand se poursuivit avec intensité pendant la guerre. Ce dernier ne cessa que le 18 mai 1952 avant que la ligne ne soit déclassée, le 12 novembre 1954. Ainsi s'acheva 70 ans d'histoire ferroviaire à Guémené.

Mais il s’en sera fallu de peu que je ne vois passer les trains à Guémené.

Je tiens enfin à signaler un excellent site "ferroviaire" auquel j'ai emprunté pour cet article et le précédent :

http://rail-bretagne.forumbreizh.com/t226-ligne-de-chateaubriant-a-masserac-1881-1939-1952

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