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dimanche 16 décembre 2012

Le fric aux Fricaud


Je reviens sur la vie et l'oeuvre - surtout - des abbés Fricaud que j'ai pourtant déjà copieusement traitées au mois d'août dernier.

Le point de départ de cette curiosité biographique venait alors de leurs tombes, au cimetière de Guémené, en particulier de celle de l'un d'entre eux, René, surmontée d'un buste.

Je remets ci-après, d'ailleurs, la photo que j'ai postée à l'époque.



Pour mémoire et en très résumé, trois frères originaires d'une même famille Fricaud de Guémené furent prêtres de part le monde (Inde, Loire-Inférieure,...) vers le milieu du XIXème siècle.

Je viens de récemment découvrir une pièce supplémentaire de leur parcours mondial, à savoir celle qui rend compte - dans une certaine mesure - de leur ensevelissement guémenois. Et naturellement, je me devais de vous faire partager cette information. Voici les faits.

Le 29 mai 1867, le Conseil municipal de Guémené s'est réuni. Il y a là le Maire, M. Simon, ses Adjoints MM. Durand et David, les autres conseillers : MM. Chenet, Clavier (et Clavier bis), Houllier, Tessier, Gicou, Fournel, Desvaux, Bernard (et Bernard bis), Potiron de Boisfleury, Frèrejouan du Saint, Heuzé, Alliot.

Bref, la fine fleur de la notabilité guémenoise, que des noms qui fleurent leur terroir et qui ont un air de déjà entendus.

L'ordre du jour est chargé. Après avoir approuvé divers comptes de 1866, voté le budget vicinal de 1868, traité diverses questions de terrains, le Conseil délibère d'une proposition des "abbés Fricaud".

En effet, l'un de ces vénérables, demeurant "rue Trézel N°1 Batignolles - Clichy" (donc sur Paris), a envoyé une lettre en date du 11 mai 1867, par laquelle il informe le Maire de Guémené de son intention, ainsi que celle de son frère, de faire un don au Bureau de Bienfaisance.



La somme, comme on voit, est de 1.200 francs, les économies de deux pieuses vies peut-être. Il est toujours difficile de fournir l'équivalent en monnaie actuelle d'une somme ancienne, mais cela peut représenter environ 4.000 euros d'aujourd'hui.

Les abbés, pleins de sens (de l'économie), assortissent toutefois leur don d'une condition.

Il faut, disent-ils, que "la somme soit placée en rente sur l'Etat, pour le revenu en être versé aux pauvres de la commune".

Comme le taux d'intérêt devait tourner autour de 5% par an dans cette période, le revenu annuel du placement des 1.200 francs devait donc avoisiner l'équivalent de 200 euros actuels. Ou il y avait peu de pauvres à Guémené sous Napoléon III, ou bien...

Toutefois, c'est dans ce genre de circonstances qu'on voit si, en matière de représentation politique, l'on a affaire à un grand homme public ou pas.

Le Maire de Guémené poursuit ainsi l'exposé du dossier en "se faisant l'organe de la population" (c'est bien le moins) : il propose qu'on commence par voter des remerciements aux bons prêtres et aussi, bien sûr, que le Conseil accepte l'offre, si caractéristique du dévouement de ces messieurs aux pauvres de la commune.

Mais voilà, son petit doigt lui a aussi dit que les bons prélats mourraient d'envie (si j'ose dire) d'être enterrés dans leur terre natale.

Sublime, il suggère donc que le Conseil leur accorde GRATUITEMENT une concession à perpétuité dans le cimetière communal ! Wow, la teuf, quoi.

On imagine la suite : le Conseil, ému aux larmes, debout sur les tables, cède à toutes les instances de son Maire et l'autorise avec enthousiasme à prendre les sous des Fricaud et à se débrouiller pour les placer comme il se doit. Emporté par ce bel élan, le Conseil accorde également la perpèt' au bons Pères.

C'est beau comme de l'Antique.

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