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dimanche 2 décembre 2012

La Ligne 465 000 part de Beslé


1/ Souvenirs, souvenirs

C’est par la ligne qui traversait Guémené en direction de Nantes que ma mère quitta son patelin pour aller faire la bonne à Nantes. C’est aussi par là, bien sûr, qu’elle en revenait.


C’est par cette ligne enfin qu’elle quitta Guémené pour rejoindre Paris par Rennes, en 1938, figurant parmi ses ultimes usagers. 


C’est par la gare de Beslé que j’ai bien souvent rejoint Guémené (et mon fils aîné aussi).

Par ailleurs, me promenant dans la campagne guémenéenne, j’ai toujours été intrigué par les débris de l’aventure ferroviaire qui marque notre paysage : maisonnettes de gardes-barrière, gares, voies muettes herbeuses formant comme des cicatrices dans la campagne où rugissaient jadis (ou bien haletaient poussivement) des locomotives fumantes tueuses de vaches…

Voilà les raisons qui font que l’histoire ferroviaire de Guémené me tient à cœur, et celle de la ligne qui allait de Beslé à Nantes, plus particulièrement. Je vais donc l'évoquer.


2/ Le pourquoi de cette ligne

A la fin du 19ème siècle et au début du suivant, les relations ferroviaires entre Rennes et Nantes s'établissaient via Chateaubriand (125 km) ou Redon (152 km). Mais dans les deux cas, l'attente était interminable, à Châteaubriant comme à Redon, du fait de la concurrence de deux compagnies ferroviaires non coordonnées.

Pourtant, en 1879, Charles de Freycinet, ministre des travaux publics de la IIIe République, avait lancé un ambitieux programme national de construction de chemins de fer. Ainsi, la loi du 17 juillet 1879 confiait à des compagnies privées ou à l'État, la construction d'environ 8 700 km de lignes d'intérêt local, répartis en 181 projets.

La liaison de Beslé à La Chapelle-sur-Erdre, par Blain, y figurait, mais au 61ème rang...Elle permettrait un itinéraire plus direct et indépendant des autres compagnies entre les deux métropoles bretonnes ainsi qu'une jonction avec le réseau de l'État couvrant le sud de la Loire.

Déclarée d'utilité publique le 3 août 1881 sous le nom de « ligne de Guémené à La Chapelle-sur-Erdre », elle fut concédé à la 
Compagnie des chemins de fer de l'Ouest par convention du 20 novembre 1883.

Elle devait par la suite constituer la ligne "465 000" du réseau national.


2/ Le projet et son tracé 

La ligne fut longue à se concrétiser en raison de difficultés liées au choix des tracés, aux expropriations de terrains, aux adjudications des travaux, etc... La réalisation intervint en deux étapes.

Le premier tronçon de Blain à La Chapelle-sur-Erdre (29,6 km) fut ouvert à la circulation des trains le 19 août 1901.

Le second de Beslé à Blain (30,8 km) entra en service le 1er juillet 1910, soit neuf ans après !.. Ce dernier s'embranchait sur la ligne de Rennes à Redon en gare de Beslé qui, de ce fait, fut équipée d'un dépôt pour les les locomotives à vapeur, avec une plaque tournante permettant de retourner les locomotives.

D'une longueur de 61,4 km, la ligne à voie unique, fermée au service de nuit, était entièrement tracée en Loire-Inférieure. Elle totalisait 76 passages à niveau.

A La Chapelle-sur-Erdre, elle se greffait sur la ligne Châteaubriant-Nantes (compagnie « Paris-Orléans ») pour rejoindre Nantes.

Cette nouvelle ligne constituait aussi un tronçon capital de liaison Manche-Pyrénées, de Saint-Malo à Hendaye, par Rennes, Nantes, La Rochelle et Bordeaux.

Sur la territoire de la commune de Guémené, le parcours était le suivant : au départ de Beslé la ligne allait sur…Massérac en empruntant le trajet de la ligne Beslé-Redon, puis, rapidement bifurquait au sud en longeant, toujours dans Massérac, la route qui mène à la gare de Coismo où la ligne s’apprêtait à pénétrer à nouveau dans le territoire de Guémené.

Elle se poursuivait au nord de la route Guémené-Massérac, derrière St-Yves et le château de Friguel ; elle frôlait le hameau de Feuilly et plongeait plein Sud-Est vers la gare de Guémené, sur la route de Redon. 


A partir de là, la direction vers le Sud s’accentuait. Le Don était passé non loin du Boisfleury, au pont de Ker Aline, puis la ligne arrivait à l’intersection des routes de Plessé et de Fégréac, près de Trémelan. 

Passant auprès de la Bourdinais, elle s’approchait ensuite de la Martelais et de Tréfoux où se situait une halte. La voie continuait enfin plein Sud vers Plessé.

J'ai joins deux cartes en fin d'article, permettant de situer géographiquement cette ligne.


3/ Le trafic

À l'ouverture du premier tronçon de Blain à La Chapelle-sur-Erdre, en août 1901, trois circulations quotidiennes d'omnibus dans chaque sens reliaient Blain à Nantes (gare de l'État).

Quand ouvre le second tronçon de Beslé à Blain, en juillet 1910, il y a chaque jour deux express Rennes-Nantes (desservant Beslé et Blain), deux omnibus Beslé-Blain et un train léger Blain-Nantes.

Ces convois étaient en correspondance notamment avec des express reliant Paris et Saint-Nazaire. Le parcours de 127 km pour les directs Nantes-Rennes s'effectuait en 2 heures 40 minutes…

La ligne restant fermée la nuit, le trafic évolua peu après la guerre 14-18, gagnant seulement un train express Nantes-Rennes.

Au cours des années 1930, la ligne bénéficia du passage de trains «long parcours » en plus du trafic habituel. Ainsi, les prestigieux express « Manche-Océan » et « Côte d’Émeraude Pyrénées » l'empruntèrent, assourdissant à leur passage les témoins de leur folle route.

La gare de Beslé devint une sorte de petit nœud ferroviaire. A la veille de la deuxième guerre mondiale, cette gare comptait ainsi 20 agents pour l'exploitation, 10 pour l'entretien des voies, une quinzaine de mécaniciens et agents de trains utilisant le foyer des roulants.


4/ La fin (et le renouveau ?)

En 1934, le tronçon Savenay-Redon passa sous contrôle de l'État qui
, dès lors, harmonisa les horaires en gare de Redon. Cela eut pour effet de détourner les trains Rennes-Nantes par Redon et de rendre caduque une grande partie de l’intérêt de la ligne Beslé-La Chapelle-sur-Erdre.

Au cours des années 1938-1939, la faiblesse du trafic voyageur était extrême sur tous les omnibus. Déficitaire, le service voyageurs fut supprimé le 9 janvier 1939. 

Le service marchandises continua cependant un temps entre Beslé et La Chapelle-sur-Erdre (la gare connaissait en effet un trafic important de wagons de paille, d’engrais, de pommes de terre, de fruits..), puis il tomba si bas que la SNCF le supprima le 18 mai 1952. 

Aujourd'hui paraît-il, certains envisagent de réhabiliter cette ligne de chemin de fer (qui ne fonctionna que 51 ans) dans le cadre d'une liaison ferroviaire entre Nantes et le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes…C'est pas gagné !..




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